Evénement indésirable : ce qu’il faut savoir
Un « événement indésirable » est un événement non souhaité qui peut affecter la santé d'une personne, impacter la qualité de sa prise en charge et le bon fonctionnement d’un établissement de santé ou médico-social (Apprendre à qualifier un événement indésirable).
L’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes est chargée de suivre et accompagner les professionnels et établissements de la région confrontés à des événements indésirables dans le cadre de leur déclaration (Découvrir l’accompagnement de l’ARS).
Retrouvez des informations pour vous accompagner dans les différentes phases de déclaration si vous êtes confronté à la survenue d’un événement indésirable dans le cadre de votre activité professionnelle.
Phase de déclaration de l’événement par le professionnel
Qui ? | Le professionnel de santé en interne, puis la personne responsable de faire remonter les évènements à l’ARS (CGRAS, direction, responsable qualité) ou tout professionnel de santé (libéral…) |
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Quand ? | Sans délai. C’est-à-dire au plus tôt possible une fois que toute les mesures d’urgence et de gestion de l’évènement ont été prises et que l’usager est en sécurité. |
Actions attendues |
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L’anonymisation de la déclaration est requise tant concernant l’identité des patients, que l’identité des structures et des professionnels concernés. Seule la partie « informations sur le déclarant » doit être complétée avec des éléments d’identité.
Le signalement consiste dans un premier temps à identifier le déclarant et la structure. Ces données ne sont pas communiquées à des tiers. Elles permettent les échanges entre ARS et déclarants et le classement des évènements signalés. Une partie du formulaire retrace le descriptif et la chronologie des faits qui serviront à l’analyse de l’évènement. Celle-ci doit permettre d’identifier les risques mais pas les personnes ou les services concernés.
Le système de signalement des évènements indésirables a pour objectif de sécuriser les prises en soins des patients et résidents. C’est un processus de gestion des risques qui n’a en aucun cas vocation à :
- Régler des différends entre professionnels, services ou structures ;
- Identifier un responsable/fautif/coupable d’une situation inattendue et néfaste pour les usagers.
Pour préserver ces données, les déclarations doivent toutes être anonymisées et ne doivent contenir aucune information relative au(x) :
- Nom de l’établissement ;
- Nom des professionnels ;
- Nom du patient/résident ;
- Nom de l’unité de soins ;
- Nom de groupe de l’établissement ;
- Nom d’autres structures (ex : pharmacie X) ;
- Nom de l’EHPAD ;
- Département du SAMU (ex : SAMU 77) ;
- Adresses ;
- Initiales d’un professionnel de santé accompagnées de sa fonction (ex : S.M, ASH de l'USLD).
Pour les EIGS, le volet 1 et le volet 2 sont les seuls éléments transmis à la Haute autorité de santé (HAS). Aucune autre information ne leur est transmise. Il est donc impératif que les éléments contenus dans ces volets soient anonymisés. Les déclarations (volets 1 et 2), une fois clôturées par l’ARS, sont transmises automatiquement à la HAS qui a pour mission de les analyser et de réaliser un bilan annuel accompagné de préconisations pour améliorer la sécurité du patient.
Dans le chapitre « Circonstances de l’évènement », à la question « Qu’avez-vous constaté ? », il est indispensable d’être précis, factuel et sans jugement. Ainsi, il faut détailler des informations telles que le motif d’hospitalisation, le chronogramme, le déroulé des faits, les fonctions des intervenants.
Exemples de déclarations inexploitables reçues par l’ARS | Ce qu’il faut préciser dans la déclaration |
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Suicide résident | Motif d’hospitalisation ? Dernière date et heure de surveillance où le résident était en vie ? A quel moment le résident a-t-il été retrouvé ? Par qui (qualité) ? Modalités de suicide (méthode, localisation…) ? Modalités d’alerte des autres professionnels ? Mesures de réanimation ? Alerte des forces de police ? Décès déclaré avec obstacle médico-légal ? |
Hypoglycémie majeure malgré un ressucrage | Motif d’hospitalisation ? Patient diabétique ? Date et heure de la dernière glycémie ? Résultat ? Fréquence de la surveillance de la glycémie ? Nature et horaire du ressucrage ? Evolution clinique horodatée après ressucrage ? |
Embolie pulmonaire sous-segmentaire gauche | Motif d’hospitalisation ? Signes cliniques ? Date et heure des signes ? Date et heure de l’imagerie ? Traitement en cours ? Evolution clinique horodatée post-diagnostic ? |
Chute avec traumatisme crânien ayant entrainé le décès d’une résidente | Date et heure de la dernière surveillance avant la chute ? Antécédents de chute ? Lieu de la chute ? Qui (qualité) et quand a été découverte la résidente après sa chute ? Modalités d’alerte des autres professionnels ? Manœuvres de réanimation ? Transfert vers un CH / décès sur place ? |
Perte de sensibilité et de mobilité des membres inférieurs post-chirurgie Paraplégie des membres inférieurs et du globe vésical | Date, heure et nature de la chirurgie ? Déroulé de l’intervention ? Date et heure de la survenue des signes cliniques ? Alerte du patient ? Modalités d’alerte du chirurgien ? Prise en charge du patient en regard des signes cliniques ? |
Découvrez les différentes étapes suivies par la déclaration dès sa transmission à l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes
Phase d’analyse (en cas d’EI, EIAS, EIG)
Même si l'évènement indésirable ne correspond pas à la définition d'un EIGS, il est important que tout évènement indésirable soit analysé.
Avant de clôturer le dossier, l'ARS peut être amené à vous demander le résultat de l'analyse selon la situation. A toutes fins utiles, l'ARS vous partage des outils utiles pour les retours d'expériences. En cas de besoin, chaque structure peut aussi solliciter l'appui du CEPPRAAL.
Phase d’analyse des causes profondes (en cas d’EIGS)
Dans le cadre d’un EIGS, l’analyse que vous allez mener de l’événement sera transmise à l’ARS, par le biais du volet 2 de la déclaration.
Le volet 2 des EIGS est reçu par les Délégations départementales ou par la Délégation aux événements indésirables (DEI) si l’EIGS est catégorisé comme critique (les étapes d’un évènement indésirable).
Qui ? | Le déclarant initial |
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Quand ? | Dans un délai de trois mois après l’envoi du volet 1 afin d’avoir assez de recul sur l’évènement pour pouvoir l’analyser objectivement, tout en restant assez proche de sa survenue pour ne perdre d’informations. |
Actions attendues | EIGS : Transmission du volet 2 dédié à l’analyse des facteurs contributifs à la survenue de l’évènement (causes immédiates et causes profondes) ainsi que le plan d’action pour éviter que l’évènement ne se reproduise sur la plateforme de signalement. |
Comment rédiger un volet 2 d’EIGS de qualité ?
Les équipes de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes seront attentives à plusieurs critères de qualité de l’analyse.
La description des faits
Il faut que la description de l’évènement soit complète et suffisamment détaillée pour permettre de le comprendre facilement à la lecture. Pour cela il est recommandé de suivre la chronologie des faits, spécifier les acteurs, les actions, et les moyens utilisés pour réaliser ces actions. Un chronogramme ou une description précise et horodatée est idéal. La description doit néanmoins rester anonyme, autant pour les usagers, leurs proches, que pour les professionnels ou les établissements ou groupes impliqués. Dans la description des actions menées, certaines doivent apparaitre en particulier :
- Les mesures immédiates prises pour le patient/résident au moment de l’événement tels que les soins d’urgence et la maitrise de la situation (mise en sécurité, éviter le sur-accident…)
- L’information du dommage associé aux soins, qu’elle ait été faite à l’usager ou à ses proches. Ainsi que les mesures de suivi à plus long terme proposées à l’usager ou à ses proches.
Les conditions d’analyse
Une attention sera apportée aux conditions dans lesquelles l’analyse aura été menée. En effet, une bonne analyse nécessite de réunir certaines conditions.
Une démarche collective et pluridisciplinaire : L’analyse est-elle menée de manière collective, sur un temps dédié en réunissant les professionnels concernés par l’événement ainsi que le service qualité pour un soutien méthodologique ?
- Une méthode structurante pour l’analyse des causes : Il est conseillé de réunir les professionnels sur forme de RMM, CREX, REMED, ACRES qui sont des outils de retour d'expérience. De plus, au sein de ces réunions, il est recommandé d'utiliser des outils d'analyse des causes tels que la méthode ALARM, ORION, le diagramme d’Ishikawa ou bien le QQOQCP.
- L’analyse des causes immédiates : Dans le volet 2 doivent apparaitre les causes évidentes : erreur humaine commise lors de la réalisation d’un acte de soin au plus près du patient, oubli, raté dans l’exécution, mauvaise décision…
- L’analyse des causes profondes : Doivent également apparaitre les causes profondes, qui sont plus compliquées à identifier. Les problèmes d’organisation, de coopération, les outils inadaptés… Tous les facteurs ayant pu impacter la réalisation de l’événement. Il sera porté une attention au fait que tous les facteurs semblent avoir été explorés. Un facteur non exploré et donc non identifié comme contributif peut favoriser la reproductibilité de l’événement.
- Le repérage des mesures barrières de sécurité : Il faudra aussi mettre en lumière les barrières de prévention présentes qui ont fonctionné, qui n’ont pas fonctionné.
Les mesures barrières sont des mesures installées pour renforcer la sécurité des soins et de la prise en charge des usagers du système de santé (patients/résidents). Ces barrières correspondent à tous les moyens humain, technique ou organisationnel qui permettent d’éviter la survenue d’un évènement indésirable grave associé aux soins (EIGS) de le rattraper quand il survient où d’atténuer la gravité de ses conséquences.
On compte 3 types de barrières pouvant intervenir dans la chronologie d’un EIGS :
- Les barrières de prévention : elles empêchent la survenue de l’EIGS
- Les barrières de récupération : l’EIGS est survenu mais des mesures en ont limité/annulé les conséquences
- Les barrières d’atténuation : l’EIGS est survenu, mais les mesures mises en place en limitent la gravité.
- Le lien entre l’analyse et les actions : Il faut que les actions misent en place soient cohérentes avec les facteurs contributifs identifiés. Par exemple, si l’un des facteurs contributifs est le manque de formation aux gestes d’urgence des professionnels paramédicaux, une action adaptée peut être de proposer des sessions de formations AFGSU de manière régulière et formalisée.
- La qualité du plan d’action : Pour qu’un plan d’action soit jugé de qualité il doit regrouper plusieurs conditions :
- Différence entre une action et un objectif : Les actions proposées doivent être concrètes et réalisables. Par exemple, « sensibiliser les soignants au risque de suicide » n’est pas une action, c’est un objectif. En revanche l’action qui répondra à cet objectif sera par exemple de proposer des sessions de formation, de mettre en place un affichage dans les postes de soins, de proposer aux professionnels de participer à des congrès, groupes de travail ou journées de sensibilisation.
- La présence d’un pilote d’action et d’une échéance : Une action doit être située dans le temps, « sous trois mois, d’ici le xx/xx/xx », et un responsable de sa mise en place doit être désigné.
Si une structure se sent en difficulté pour l’analyse de l’évènement elle peut solliciter l’appui de la structure régionale d’appui.
Le délai d’envoi du volet 2
C’est-à-dire, dans les trois mois suivant l’envoi du volet 1. Cette durée est spécifiée dans l’article R1413-69 du Code de la santé publique. Elle permet d’être à une distance suffisante de l’événement pour en avoir une analyse plus objective. Tout en étant encore assez proche de la survenue de l’événement pour que les informations ne se soient pas perdues, ou déformées avec le temps. Ainsi un volet 2 reçu le lendemain de la réception du volet 1, semblera trop hâtif. En revanche un volet 2 reçu 6 mois après le volet 1 questionnera sur la qualité des informations analysées. Si pour des raisons pratiques ce délai de trois mois vous semble compliqué à tenir (par exemple trouver une date de réunion où les différents professionnels impliqués seront disponibles), n’hésitez pas à prévenir la DEI ou la Délégation Départementale dont vous dépendez de la raison du retard de votre volet 2.
Cet EIGS particulièrement bien décrit, tant sur le volet 1 que sur le volet 2, peut concerner l’ensemble des établissements, sanitaires et médico-sociaux.
Déclaration réalisée
Arrivée à 10h15 d'une patiente de 75 ans aux urgences pour décompensation de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Installée à 10h28. Après l’avoir examinée, le médecin demande à l’oral à l’IDE de faire passer 3 aérosols sous air (avec maintien de l'oxygène aux lunettes) pour un objectif de saturation entre 89 et 92 %. Après installation de la patiente, l’IDE a demandé à l’ASD de venir la surveiller régulièrement mais sans plus de précisions. La patiente était agitée et lors du 2e aérosol, l’ASD a constaté que le masque d'aérosol, le saturomètre et les lunettes étaient retirées. Elle a remis le masque et le saturomètre et a coupé le débit de l’oxygène car les lunettes étaient retirées et selon elle, de l’oxygène était fournie par le masque. Une heure après le début du traitement, vers 12h30, la patiente est retrouvée par l'IDE en détresse respiratoire (67 % saturation), le masque était à nouveau arraché. L’IDE fait le constat que les lunettes étaient retirées et que l'oxygène était arrêté (débit éteint). Transfert au déchocage puis admission en réanimation.
Analyse pluridisciplinaire : directeur des soins, cadre de santé des urgences, cadre supérieur du pôle urgences-médecine, médecin responsable des urgences, médecin responsable du pôle urgences-médecine, médecin urgentiste, IDE des urgences, responsable qualité et gestion des risques.
Méthode : ALARME
Information du patient :
- Annonce du dommage lié aux soins faite
- L’établissement s’est engagé à communiquer les résultats de l’analyse interne de l’évènement à la patiente
Facteurs | Dysfonctionnements identifiés | Mesures prises |
Liés aux tâches à accomplir | - Association aérosols sous air / oxygène aux lunettes non formalisée dans un protocole - Défaut de transmissions et d’alerte concernant l’association aérosols sous air/O2 aux lunettes | Rédiger des fiches réflexes / protocoles à l’issue des sessions de formation internes aux urgences - éch. décembre 2023 |
Liés aux professionnels | Formation insuffisante à la prise en charge de la BPCO | Organiser des sessions courtes de formation du personnel des urgences sur certaines prises en charge (ex : BPCO) selon un planning annuel - éch. décembre 2023 |
Liés à l’équipe | Manque de communication entre paramédicaux | Constituer un groupe de travail pour reprendre la réalisation des tâches en binôme IDE / AS - éch. décembre 2023 |
Absence de prescription écrite (prescription orale) | ||
Liés à l’environnement de travail | Pas de surveillance visuelle possible des patients scopés / Portes fermées | Tester la mise en place d’affiches de vinyle blanc sur les portes des box pour permettre d’alerter les soignants sur des sujets particuliers (retirer le tableau blanc mural et sensibiliser sur le fait que ces affiches ne doivent pas se substituer au dossier patient informatisé) - éch. avril 2023 |
Forte activité avec des patients nécessitant une surveillance rapprochée | ||
Alarme du retrait du saturomètre peu audible / multiplicité des alarmes |
Avis de l’ARS
Modalité de réalisation de l’analyse : réalisée en équipe pluridisciplinaire ; tous les intervenants impliqués étaient présents ainsi que l’encadrement et le service de gestion des risques.
Qualité de l’analyse : de très bonne qualité, claire, précise et systématique.
Lien entre l’analyse et les actions : les actions découlent logiquement des différents facteurs retrouvés dans l’analyse.
Qualité des actions : elles sont pertinentes, bien décrites et avec des dates d’échéance. Seule l’action concernant la constitution d’un groupe de travail mériterait plus de précisions, notamment sur les membres de ce groupe de travail, les objectifs précis et les livrables. Une action d'amélioration concernant la prescription orale/écrite aurait également pu être envisagée.
Vous trouverez ci-dessous les écueils principaux retrouvés dans des volets 2 reçus par l’ARS, des propositions de corrections ainsi que des conseils.
Volets 2 reçus | Propositions de corrections | Conseils |
Cas n° 3 - Actions imprécises | ||
Situation
Complications post-opératoires. | Il ne s’agit pas d’actions mais d’objectifs. Les actions en découlant auraient pu être les suivantes : 1. Sensibilisation des prescripteurs à l’utilisation des HBPM en post-opératoire et rappel de la prise d’avis pour les patients graves lors du prochain staff médical mensuel. 2. Réalisation d’un protocole de prescription d’HBPM. 3. Mise en place d’une alerte dans le Logiciel d’aide à la prescription (LAP) lors de la prescription d’HBPM chez les patients déjà traités par des AAP. 4. Mise à jour de la procédure concernant les refus de soins. 5. Rédaction d’un formulaire de refus de soins à destination des patients. | Les actions doivent être détaillées et leur contenu doit expliquer concrètement comment elles vont être réalisées. Une date d’échéance est indispensable dans le volet 2 et il est fortement recommandé de désigner un pilote dans les outils de suivi interne de l’établissement. |
Actions 1. Faire attention aux Héparines de bas poids moléculaire (HBPM) à dose préventive en post opératoire immédiat chez les patients déjà traités par des antiagrégants plaquettaires (AAP) 2. Recueillir la signature du patient lors d’un refus de soins. 3. Intérêt de la collégialité des avis dans la prise en charge de patients graves. | ||
Cas n° 4 - Référence à un document annexe | ||
Situation Retard diagnostic d'un AVC. | La HAS est également destinataire des déclarations d’EIGS pour évaluation et contribution à la rédaction de nouvelles directives nationales en termes de bonnes pratiques. Mais elle n’a pas accès aux échanges entre les déclarants et l’ARS. Cette déclaration d’EIGS est donc inexploitable | Si des échanges concernant l’analyse ou les actions ont eu lieu avec l’ARS en dehors du portail de déclaration, il est tout de même indispensable de compléter entièrement les volets 1 et 2. |
Facteurs favorisants Cf. rapport déjà envoyé à l'ARS. | ||
Actions Cf. rapport déjà envoyé à l'ARS. |